• Environnement et dĂ©mographie : l'AgriTech sous pression

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    Alors que le salon de l’agriculture ferme tout juste ses portes, la profession agricole fait face à plusieurs enjeux de taille. S'il y a un conflit autour des conditions de travail et de la rémunération des agriculteurs, il y a consensus autour du défi climatique à relever. Réchauffement climatique et pollution de l’air, de l’eau et des sols concernent plus que jamais le secteur primaire. La tâche s’annonce d’autant plus ardue au vu de l’accroissement démographique. L’innovation permettra-t-elle de nourrir l’humanité ? 

     

    Schumpeter aurait très certainement placé sa confiance dans les entrepreneurs et l’innovation. Pour les agriculteurs et les experts, loin de baisser les bras face à l’ampleur du défi, il y a des raisons d’y croire ! Les innovations techniques et technologiques donnent de l’espoir à l’agriculture française. L’agriculteur Gilles Van Kempen, souligne ainsi que « cela fait des années qu’on innove dans le monde agricole ». Aujourd’hui, les techniques de culture changent, la pratique de l’agroécologie se répand et les poly-cultivateurs sont de plus en plus nombreux. Le progrès technique est né de l’agriculture et permettra toujours d’accroître la productivité agricole.

     

    Les startups AgriTech ne manquent pas et l’agridata (l’analyse des données agricoles) est en plein essor. Les innovations agricoles arrivent à un niveau de maturité qui nécessitent des plateformes de mutualisation des data agricoles pour maximiser leur valeur ajoutée auprès des agriculteurs. Les données récoltées apportent aussi de la valeur aux agriculteurs. De nouvelles initiatives telles que Api-Agro naissent. Api-Agro développe une plateforme d’échange des données agricoles. Pour fonctionner, il faut que les exploitants acceptent de mutualiser leurs données.

    Autre exemple d’agridata : AgroSmart, une start-up brésilienne, propose de recueillir et d'analyser les données propres à chaque culture. En permettant aux agriculteurs de prendre de meilleures décisions, ces derniers peuvent produire davantage. Une stratégie qui permet notamment de prévoir les problèmes de récolte dus au changement climatique, ainsi que le manque d'eau, deux difficultés du quotidien auxquelles sont confrontés les agriculteurs africains.

    La start-up kényane SunCulture propose un système d'irrigation innovant au goutte-à-goutte, dont la distribution est assurée grâce à l'énergie solaire, une ressource inépuisable sur le continent. Un système qui permet, selon la société, d'augmenter les rendements des petits producteurs de 300 %.

     

    Cependant, la nécessité de préserver des sols fertiles est primordiale aux yeux des agriculteurs. C’est leur richesse et leur propriété. L’innovation agricole rencontre là un de ses freins majeurs.  En effet, les risques et les frais que représentent une expérimentation sur la terre sont bien trop élevés pour cette profession qui peine à vivre de ses récoltes. Après les besoins physiologiques, la sécurité est le deuxième besoin de la pyramide de Maslow. Avec un « budget R&D » à zéro, c’est en marchant sur des œufs que l’agriculture cherche une innovation majeure. A défaut d’une telle rupture dans la production agricole, le secteur primaire réinvente son mode de distribution. Les modes de consommation se transforment et la réponse des agriculteurs ne se fait pas attendre. Ils ont saisi le potentiel de ce virage et l’innovation s’est concentrée sur la distribution.

     

    Les consommateurs français privilégient toujours plus les circuits courts. De plus en plus d’agriculteurs font le choix de la vente directe, souvent en se regroupant. Cela répond aux nouvelles attentes des consommateurs qui deviennent plus exigeants. Le succès de l’application Yuka, qui décrypte les étiquettes des produits alimentaires et analyse leur impact sur la santé, témoigne de cette exigence. Les produits locaux et de saison ont la cote. Avec le commerce de proximité, les clients sont mieux informés des conditions de production et de la qualité des produits agricoles. L’agriculture biologique demeure parfois bien floue aux yeux des français qui restent parfois sceptiques quant à la signification des multiples labels bio. Le Casier Français, est une de ces innovations qui simplifie la vente pour les agriculteurs tout en les rapprochant des consommateurs grâce à un casier à produits frais. Le choix de la vente directe n’est pas uniquement prisé des consommateurs. Les agriculteurs lui trouvent la plupart du temps un précieux avantage : cela diminue les rapports de force avec la grande distribution qui les rémunère mal.

     

    L’innovation ne fait pas tout. Une croissance extensive de l’agriculture doit s’opérer : il faut une main d’œuvre mieux allouée et plus de terres. A l’échelle mondiale, l’agriculture mise beaucoup sur l’Afrique. Le continent peut devenir un grenier de la planète. Au moins 65% de la population active d’Afrique travaille dans l’agriculture et les techniques de production sont encore plus ou moins archaïques. L’apport de nouvelles technologies vers les terres fertiles d’Afrique est prometteur et pourrait même faire décoller des pays en libérant de la main d’œuvre agricole. A contrario, en Europe et plus particulièrement en France, la main d’œuvre rurale commence à manquer et de nombreux départs à la retraite d’agriculteurs sont prévus. Les néo-agriculteurs, ces urbains repentis qui retournent s’installer au grand air, auront besoin d’être accompagnés dans la mise en place de leurs exploitations. Ils seront peut-être plus enclins à s’appuyer sur l’agridata et l’agritech pour accélérer la transition technologique agricole !